Plan d’ACtion pour la croissance et la Transformation des Entreprises : tout un programme !
L’acronyme donne à penser qu’un vent de renouveau va souffler sur l’économie en général et sur le droit des sociétés en particulier.
« En même temps », l’idée de pacte, qui renvoie à la concorde nationale, pourrait laisser croire que les fruits de la croissance sont susceptibles de ruisseler sur l’ensemble de nos concitoyens.
Il n’est pas certain que les français, qu’ils soient Commissaires aux comptes ou « Gilets jaunes », soient convaincus par cette idée quelque peu simpliste et sujette à caution.
Le nom du texte évoque encore un mouvement à la fois large et puissant.
A l’arrivée, les modifications législatives, issues de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, peinent à convaincre.
La meilleure doctrine s’est déjà chargée de décrire le dispositif dans le registre académique. Nous renvoyons le lecteur à ses travaux (Bulletin Rapide Droit des Affaires du 15 mai 2019, entre autres).
Nous nous bornerons de notre côté à quelques commentaires de praticiens, restés sur leur faim à la lecture du texte.
En ce qui concerne le droit des sociétés, force est de constater que la transformation n’est pas au rendez-vous pour les TPE/PME (I).
Quant à la croissance, il n’est pas certain que la loi puisse avoir les effets attendus (II).
- Une « transformation » bien timide et tardive
La loi PACTE introduit quelques innovations à la portée pratique douteuse (A]), outre la réforme de l’audit légal des comptes (B]).
A] Les innovations de moindre portée pratique
Alors que les entreprises françaises, et notamment les TPE et PME, auraient besoin d’un choc de compétitivité, le législateur se borne à édicter des principes « fourre-tout », sans grande portée pratique.
Ainsi l’article 1833 alinéa 2 du Code civil précise dorénavant que la société doit être gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Il n’y a là rien de révolutionnaire tant nos entreprises évoluaient déjà dans un maquis de textes à caractère social ou environnemental aussi touffu que contraignant.
L’introduction d’une règle aussi générale ne constitue qu’une avancée mineure.
Dans le même ordre d’idée, les entreprises pourront se doter d’une « raison d’être », c’est-à-dire de « principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
Prescrire à tout candidat à la création d’entreprise la lecture d’un petit ouvrage sur la stratégie d’entreprise serait probablement aussi efficace, sinon plus.
Enfin, la loi consacre la notion d’«entreprise à mission» (Loi PACTE article 176). Les sociétés qui jugeront que les règles auxquelles elles sont déjà soumises ne sont pas suffisantes pourront s’en ajouter volontairement, en matière de respect d‘objectifs sociaux et environnementaux, sans que ça leur procure un quelconque avantage.
Heureusement, certaines dispositions se révèlent beaucoup plus rafraîchissantes.
Ainsi de celle qui permettra à un cédant de titres d’une société de partager, sous certaines conditions, une partie de la plus-value qu’il réalisera avec les salariés de ladite société (Loi PACTE article 162 IV et X).
Après l’ « apport-cession » et la donation-cession, la « donation après cession » ?
Rien n’est moins sûr.
B] La réforme de l’audit légal des comptes
Ces mesures, qui ont suscité de fortes réactions parmi les professionnels concernés, viennent d’être définitivement validées et seront applicables au plus tard au 1er septembre 2019.
Il convient de rappeler que, sur ce point, la loi PACTE ne fait que transposer en droit français les règles issues de la Directive 2013/34 du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents.
Celle-ci distingue les entreprises selon des critères de chiffre d’affaires, de total de bilan et d’effectif salarié dans le but d’épargner aux entreprises les plus modestes la charge d’une mission de certification des comptes et d’établissement de rapports annuels qui grève leur budget à l’excès.
Cette directive européenne devait être transposée en droit interne à la date du 20 juillet 2015 au plus tard.
La principale mesure consiste donc à dispenser les petites entreprises ne dépassant pas au moins deux des trois seuils suivants :
- 4 M€ de total de bilan,
- 8 M€ de chiffre d’affaires,
- un effectif moyen de 50 salariés,
de désigner un Commissaire aux comptes, sauf demande en justice formée par un actionnaire ou associé représentant une certaine fraction du capital, variable selon les formes sociales.
Il est également créé un audit légal « petites entreprises » qui pourra être choisi par certaines sociétés tenues de désigner un CAC. La principale particularité de cet audit légal est d’avoir une durée de 3 exercices (contre 6 pour le mandat classique).
En contrepartie de la perte de certaines activités, les Commissaires aux comptes se sont vus reconnaître par l’article 9 bis A de la loi PACTE, la possibilité d’exercer plus largement des missions de conseil, notamment juridique, sans référence à une activité principale.
Cette fois, ce sont les avocats qui se sont exprimés contre cette nouvelle atteinte au périmètre du droit par l’intermédiaire du CNB…
- Un impact douteux sur la croissance
L’objectif, louable, du législateur est de libérer la croissance mais il n’est pas certain que les mesures prévues en faveur des sociétés in bonis (A]) ou des entreprises en difficultés (B]) puissent contribuer d’une façon ou d’une autre à la croissance.
A] Les mesures en droit des sociétés
Il s’agit notamment de mesures liées à la création d’entreprises.
Il est prévu de faciliter la création d’entreprises à travers la mise en place d’un guichet unique et la suppression du stage de gestion obligatoire, préalable à la création des entreprises artisanales.
De même, le coût des publicités légales sera légèrement revu à la baisse.
Il n’y a là rien de décisif. A court terme, ces mesures pourront générer un léger gain de temps et quelques menues économies pour les créateurs d’entreprises.
Sur la durée, on peut s’interroger sur l’opportunité de supprimer le stage de gestion obligatoire tant il peut exister un gouffre entre les compétences « métier » de l’artisan et sa capacité à gérer les aspects administratifs liés à son activité (suivi de chantiers, gestion de trésorerie, déclarations diverses…).
Peut-être est-ce aussi pour cette raison que le législateur a pris quelques mesures en droit des entreprises en difficultés, sans attendre la réforme plus générale à intervenir par voie d’ordonnances…
B] Les mesures en droit des entreprises en difficultés
Le législateur indique, dans la plaquette décrivant les mesures phares de la loi PACTE, qu’il est important d’accélérer le traitement des « petites » liquidations judiciaires, afin de permettre le rebond plus rapide des entrepreneurs et dirigeants.
Le praticien des entreprises en difficultés restera dubitatif devant un tel raccourci pour plusieurs raisons.
La première est qu’en réalité, seul l’entrepreneur en nom propre ne peut recréer une activité économique pendant que sa liquidation judiciaire personnelle est ouverte.
Chacun sait que le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire peut immédiatement, créer une activité individuelle ou constituer une nouvelle société qu’il dirige, sauf à avoir fait l’objet d’une sanction. A ce sujet, nous renvoyons à notre article publié sur le site Internet du Village de la justice le 29 janvier 2018, «
».
La deuxième raison est que, bien souvent, le dirigeant ou l’entrepreneur qui a fait l’expérience d’une liquidation judiciaire ne se relancera pas si rapidement dans une aventure entrepreneuriale.
La troisième raison est qu’au plan macroéconomique, accélérer le traitement des plus petites procédures n’aura qu’un impact modeste puisqu’il s’agit par hypothèse de dossiers quasiment sans actif.
Il eût été bien plus pertinent et efficace de chercher à accélérer le traitement des procédures collectives dans lesquelles un actif important est réalisé afin d’accélérer les distributions aux créanciers.
La difficulté est que ceci supposerait, notamment, que les procédures contentieuses qui font obstacle à la clôture des procédures collectives soient notablement plus rapides qu’elles ne le sont actuellement…
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En définitive, il est à craindre que les mesures issues de la loi PACTE n’aient qu’un impact modeste sur les TPE et PME qui devaient pourtant en être les principales bénéficiaires.
C’est donc aux dirigeants de ces entreprises, et à eux seuls, qu’il revient d’imaginer le pacte qu’ils entendent mettre en œuvre en vue d’assurer leur développement, dans l’intérêt de la collectivité dans son ensemble.