Le risque « cotisations sociales » pesant sur le gérant majoritaire de SARL Clément GICQUEL – 02/11/2017

Les avantages et inconvénients de chacun des statuts de dirigeants de sociétés par actions (« Régime général ») ou de sociétés à responsabilité limitée (« TNS ») font régulièrement l’objet de comparaisons car le sujet est important et complexe.

Pour un exemple récent de synthèse réussie, nous vous renvoyons à l’excellent article de notre Confrère Marie-Laure ARBEZ NICOLAS publié le 24 octobre dernier sur le site du Village de la Justice (https://www.village-justice.com/articles/remuneration-statut-social-dirigeant-eurl-sas,26252.html).

Cet article mentionne à juste titre le fait que le gérant majoritaire reste in fine responsable du paiement de ses cotisations sociales, indépendamment du fait qu’elles puissent être payées par la société.

Un arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre 2017 (Cass.Com 20 9 2017, n°15-24.644) donne l’occasion de développer quelque peu ce point, fort sensible.

Dans cet arrêt, la Cour pose en principe que la seule inscription au Répertoire SIRENE du gérant majoritaire d’une SARL ne suffisait pas à établir sa qualité d’entrepreneur individuel.

Elle en tire la conséquence que celui-ci n’est pas éligible au bénéfice du redressement ou de la liquidation judiciaires sur le fondement des articles L. 620-2, L.631-2 et L.640-2 du Code de commerce.

La Cour considère en effet que l’exercice des fonctions de gérant majoritaire ne relève pas d’une activité professionnelle indépendante, au motif notamment que l’activité est exercée au nom et pour le compte de la société dirigée.

L’on sait que du point de vue social (CSS art. L 111-1, 11°), le dirigeant majoritaire est considéré comme un travailleur non salarié (TNS), avec pour conséquence l’obligation d’être immatriculé auprès de l’URSSAF.

Cette solution se comprend tant il serait difficile de caractériser un lien de subordination entre la personne morale concernée et son dirigeant, lequel détient, par hypothèse, le pouvoir de direction et le pouvoir de décision au sein de l’assemblée générale.

Le droit commercial qui poursuit ses objectifs propres, parmi lesquels la protection du crédit, retient, nous l’avons vu, une solution contraire.

En effet l’ouverture trop large des procédures de redressement et de liquidation judiciaires aux gérants majoritaires aurait, notamment, pour conséquence de priver les engagements de caution qu’ils peuvent avoir souscrits de l’essentiel de leur efficacité.

La question se pose donc de savoir si, à défaut d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le gérant majoritaire pourrait obtenir « l’effacement » de ses dettes sociales par un autre biais que la clôture pour insuffisance d’actif (article L. 643-11 du Code de Commerce).

Plus précisément, dès lors que l’activité du gérant majoritaire n’est pas considérée, sur le terrain du droit commercial, comme une activité professionnelle indépendante, ses dettes de cotisations sociales pourraient-elles être effacées dans le cadre du rétablissement personnel prévu par les articles L.741-1 du Code de la Consommation ?

La Cour de cassation a répondu négativement à cette question dans un avis n°16007 du 8 juillet 2016.

La Haute juridiction considère en effet que la couverture sociale personnelle du gérant majoritaire est de nature professionnelle et que, pour cette raison, les dettes de cotisations sociales échappent à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel.

En définitive, le « télescopage » des logiques commerciale, sociale et civile place le gérant majoritaire d’une SARL en difficulté dans une situation particulièrement défavorable.

Il est permis d’espérer que la suppression du Régime Social des Indépendants (RSI) annoncée pour 2018 se traduise par une amélioration de la situation des gérants majoritaires.

A défaut, les conseils du dirigeant concerné pourront lui proposer la transformation de la SARL en SA ou SAS, avant que sa situation financière soit trop dégradée ou, dans le cas contraire, d’exercer une activité professionnelle, même marginale, distincte de ses fonctions de gérant, afin de pouvoir bénéficier d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à titre personnel.

Clément GICQUEL – 02/11/2017