Président du Conseil de surveillance : un statut attractif ?

La formule dualiste d’administration des sociétés anonymes comprenant un directoire et un conseil de surveillance, très répandue outre-Rhin, n’a pas connu un grand succès en France.

Parmi ses principaux avantages, il est souvent relevé que ce système permet de séparer la direction de l’entreprise de son contrôle, ce qui ne serait pas le cas en société anonyme à conseil d’administration où ce dernier est censé participer à la direction de l’entreprise.

Dans le système dualiste, les membres du directoire, désignés par le conseil de surveillance, se voient collégialement confier la direction générale de la société (article L.225-64 du code de commerce).

Aux termes de l’article L. 225-68 du code de commerce, le conseil de surveillance, de son côté, a notamment pour mission de contrôler de façon permanente la gestion du directoire.

En dernier lieu, c’est à l’assemblée générale qu’il revient de trancher les éventuelles divergences de vues entre ces deux organes collégiaux.

Il semble qu’en définitive, cette forme de société génère des lourdeurs de fonctionnement qui lui font préférer la formule moniste à conseil d’administration.

Dans certains cas particuliers toutefois, cette formule sera adoptée en raison des attraits que présente le statut juridique, fiscal et social des président et vice-président du conseil de surveillance (I).

Les excès de certains ont conduit les services de l’URSSAF à tenter de requalifier les rémunérations servies aux président et vice-président de conseil de surveillance en invoquant leur qualité de dirigeant de la société au sens de l’article 311-3 du code de la Sécurité sociale (II).

  1. Les délices du statut de président du conseil de surveillance d’une SA ou d’une SAS

 

  1. Aspects juridiques

Outre le prestige attaché aux titres de président et de vice-président, force est de constater que le rôle du conseil de surveillance au service de la société concernée peut-être important.

L’article L.225-68 du code de commerce précité détaille les modalités du contrôle exercé par le conseil de surveillance, qui est à la fois permanent et périodique.

Ainsi, le conseil de surveillance se voit reconnaître la possibilité, à toute époque de l’année, d’opérer les vérifications et contrôles qu’il juge opportuns et se faire communiquer tous les documents utiles à l’accomplissement de sa mission.

Une fois par trimestre au moins, le directoire présente un rapport au conseil de surveillance.

Enfin, en vue de l’approbation des comptes annuels, le conseil de surveillance présente ses observations sur le rapport de gestion du directoire et les comptes de l’exercice.

Malgré l’importance de ces missions, les membres du conseil de surveillance n’encourent qu’une responsabilité allégée par comparaison avec celle encourue par les membres d’un conseil d’administration de société anonyme, dont nous avons rappelé précédemment qu’ils étaient réputés participer à la direction et à l’administration de la société.

Parmi les membres du conseil de surveillance, les président et vice-président se démarquent assez nettement de leurs collègues. Aux termes de l’article L.225-81 du code de commerce, il leur revient de convoquer le conseil et de diriger ses travaux. Ce même article précise qu’ils peuvent être rémunérés à ce titre.

Leur position est donc nettement plus favorable que celle des autres membres du conseil qui peuvent se voir collectivement attribuer une rémunération (article L.225-83 du code de commerce) ou encore une rémunération individuelle au titre d’une mission ponctuelle ou exceptionnelle (article L.225-84 du code de commerce).

Au-delà de la mission de contrôle évoquée précédemment, le conseil de surveillance peut également se voir reconnaître par les statuts le pouvoir d’autoriser le directoire à accomplir certains actes, comme par exemple, des investissements ou désinvestissements significatifs.

A cette occasion, le conseil de surveillance pourra être conduit à participer, au moins indirectement, à la direction et à la gestion de l’entreprise.

  1. Aspects fiscaux et sociaux du statut

Le régime fiscal des rémunérations du président et du vice-président du conseil de surveillance a été fixé par les réponses ministérielles n°14651 à la question de Monsieur LABBE (JOAN Q, 3 décembre 1990, p 5506) et à celle de Monsieur BOURGINE n°8889 du 15 mars 1990.

Ces réponses posent en principe que les rémunérations allouées aux président et vice-président du conseil de surveillance relèvent du régime fiscal des revenus de capitaux mobiliers, sans abattement.

Elles sont par suite soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique ou « flat-tax » au taux de 30 %, ce qui les rend fiscalement attractives.

Elles sont également attractives au plan social car la Chambre sociale de la Cour de cassation (Arrêt du 25 janvier 2001, n°99-12376) a posé en principe que la rémunération du président d’un conseil de surveillance n’a pas la nature d’un revenu professionnel.

Il en résulte en premier lieu que le dirigeant d’une société ayant fait valoir ses droits à la retraite a la possibilité de percevoir de ladite société une rémunération en sa qualité de président du conseil de surveillance, tout en percevant sa pension.

En second lieu, la rémunération servie aux président et vice-président du conseil de surveillance n’est donc, en principe, pas soumise aux cotisations sociales auxquelles sont assujettis les revenus professionnels des dirigeants.

Seul est applicable le forfait social au taux de 20 %.

Nous rappellerons à cet égard que les règles fiscales applicables aux rémunérations des président et vice-président du conseil de surveillance d’une société anonyme sont également applicables aux sociétés par actions simplifiées (BOI-RSA- CHAMP-10-30-20 n°200 et 260).

On comprend dès lors que les services en charge du recouvrement des cotisations sociales soient parfois tentés de remettre en cause le régime appliqué au sein de l’entreprise.

Cette remise en cause peut notamment s’appuyer sur la caractérisation d’une activité de dirigeant accomplie par le président ou vice-président du conseil de surveillance.

  1. La caractérisation de la qualité de dirigeant du président du conseil de surveillance

La question posée est celle de l’application éventuelle des articles L. 311-2 et L.311-3 du code de la Sécurité sociale aux rémunérations perçues par le président et le vice-président du conseil de surveillance.

Le premier pose le principe de l’affiliation obligatoire aux assurances du régime général.

Le second dresse la liste des personnes concernées, parmi lesquelles figurent au 12°), « les présidents du conseil d’administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme et les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des institutions de prévoyance, des unions d’institutions de prévoyance et des sociétés de groupe assurantiel de protection sociale » et au 23°) « les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées».

Compte-tenu de la rédaction de l’article L. 311-3 23°), qui fait seul référence à la notion de dirigeant, la question se pose principalement en matière de sociétés par actions simplifiées mais elle est susceptible de surgir également s’agissant de sociétés anonymes.

Comme souvent, les juridictions du fond adoptent en la matière une attitude pragmatique en examinant avec beaucoup de rigueur le cadre juridique, et notamment la rédaction des statuts, et les faits de l’espèce.

La reconnaissance de la fonction dirigeante s’impose parfois avec la force de l’évidence (A) mais il arrive également que le service vérificateur échoue dans sa démonstration (B).

  1. Une activité de direction manifeste

L’article L. 227-5 du Code de commerce dispose que les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.

L’article L. 227-6 du même code dispose que la société est représentée à l’égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts et investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social.

L’alinéa 3 du même article précise que les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier.

Il est clair à la lecture de cet article que le président, comme le directeur général ou le directeur général délégué de société par actions simplifiée, s’ils sont rémunérés, devront voir leurs rémunérations soumises au régime dit général.

Faut-il pour autant en déduire que seuls les dirigeants expressément visés sont susceptibles d’être concernés ?

La réponse est à l’évidence négative.

Dans l’hypothèse où la société par actions simplifiée serait administrée par un directoire, chacun de ses membres devrait, à n’en pas douter, être qualifié de dirigeant.

Dans l’hypothèse où le conseil de surveillance et son président s’en tiennent à leur mission de contrôle de la gestion du directoire, il n’existe pas de raison de voir le président dudit conseil qualifié de dirigeant de la société.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire dans l’hypothèse où il participerait, même indirectement, à la gestion de la société, sa qualité de dirigeant pourrait être valablement retenue.

L’examen de la jurisprudence illustre de façon parfois cocasse la gourmandise de certains dirigeants dont les pratiques, par hypothèse combinées entre elles, forment ensuite un faisceau d’indices, très difficile à combattre.

C’est ainsi que la cour d’appel d’Orléans (CA Orléans, 25 avril 2017, n°15/02247) n’a pu que confirmer les analyses du service vérificateur et du tribunal des affaires de sécurité sociale qui avaient relevé que le président du conseil de surveillance, précédemment dirigeant de la société, percevait une rémunération mensuelle de 8 000 euros, conservait le bénéfice de la même voiture de fonction, disposait d’un bureau, d’un téléphone portable et d’une carte bancaire utilisée pour le paiement de frais non justifiés, invitait des clients de la société au restaurant et à jouer au golf et en avaient tiré la conséquence nécessaire de son affiliation au régime général.

Toutes les situations ne sont pas aussi caricaturales et il arrive également que les juridictions du fond ne soient pas mises en mesure de retenir la qualification de dirigeant du président du conseil de surveillance.

  1. Le refus de la requalification

Par un arrêt en date du 2 novembre 2010 (CA Agen, 02/11/2010 n° 09/01172), la Cour d’appel d’Agen a jugé que les rémunérations versées au Président du Conseil de surveillance d’une société par actions simplifiée n’entrent pas dans l’assiette des cotisations du régime général dès lors qu’en l’espèce : « les statuts prévoient (…) la mise en place d’un conseil de surveillance chargé de contrôler la gestion de la société et qui élit en son sein un président chargé de convoquer le conseil et d’en diriger les débats. Les statuts prévoient que le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire, opère les vérifications et les contrôles qu’il juge opportuns et peut se faire communiquer les documents qu’il estime utiles à l’accomplissement de sa mission. Ainsi, selon les statuts de la société X, le conseil de surveillance de cette société a pour seule mission de contrôler le directoire qui en assure la direction. Il n’est pas chargé de la gestion de la société et ne peut s’immiscer dans celle-ci. Le Président du conseil de surveillance est uniquement chargé par les statuts de convoquer le conseil qu’il préside et d’en diriger les débats ».

Dans cette affaire ancienne, la rédaction des statuts s’est révélée prépondérante.

Ultérieurement, la Cour d’appel d’Amiens a, dans un arrêt rendu le 16 juin 2015 (CA Amiens, 16/06/2015 n° 13/06504) précisé que, « le rôle du Président du conseil de surveillance, uniquement chargé par les statuts de convoquer le conseil qu’il préside, de diriger les débats, ne lui confère pas le statut de dirigeant au sens de l’article L. 311-3-23° du Code de la sécurité sociale, dès lors qu’il n’assure pas la gestion de la société. »

La Cour d’appel d’Amiens, dans un souci de réalisme, réserve donc l’hypothèse où le président du conseil de surveillance assumerait, en fait, la direction de la société.

Dans un arrêt du 21 avril 2015 (CA Amiens, 21/04/2015 n° 13/06502), cette même Cour d’appel a également retenu, s’agissant d’une affaire similaire, que : « En l’espèce, il ressort, d’une part, des statuts de la SAS Z que le conseil de surveillance assure en permanence par tous moyens appropriés le contrôle de la gestion effectuée par le directoire, mais qu’en aucun cas ce contrôle ne peut donner lieu à l’accomplissement d’actes de gestion directement ou indirectement, d’autre part, de l’extrait du registre du commerce et des sociétés produit, que la présidente du conseil de surveillance n’est pas membre du directoire. Il en résulte que les sommes versées à la présidente du conseil de surveillance de la SAS, qui n’est pas membre du directoire et n’a donc pas le statut de dirigeant au sens de l’article précité (L 311-3-23° du Code de la sécurité sociale) représente la seule contrepartie de ses responsabilités au sein du conseil de surveillance et constitue la rémunération d’un mandat social, en l’absence de toute autre constatation de l’URSSAF sur son activité dans l’entreprise. »

A la lecture de ce dernier arrêt, le principe apparaît donc bien établi : il y a lieu de se référer d’une part aux statuts et d’autre part, aux pratiques en vigueur au sein de la société concernée.

Il convient à cet égard de ne pas perdre de vue que ces deux critères ne sont pas cumulatifs, ni d’ailleurs de même portée.

En effet, il semble douteux que le seul fait pour un conseil de surveillance d’être habilité à délivrer des autorisations au directoire pour passer certains actes suffise à entrainer la qualification de dirigeant de son président.

En sens inverse, il suffira certainement que l’immixtion du président du conseil de surveillance dans la gestion quotidienne soit caractérisée pour entrainer sa qualification de dirigeant, indépendamment de la rédaction des statuts.

Encore faut-il que le service vérificateur la caractérise formellement à l’occasion de son contrôle et dans le cadre de la notification subséquente.

Tel pourrait par exemple être le cas dans l’hypothèse où le service vérificateur établirait et invoquerait l’exercice par le dirigeant présumé d’une ou plusieurs des activités suivantes :

  • occuper en permanence un bureau au sein de l’entreprise,
  • se charger de la tenue de la comptabilité,
  • signer des chèques,
  • entrer en relation avec des clients et fournisseurs.

Ces activités sont à l’évidence étrangères à la mission de contrôle du président ou vice-président du conseil de surveillance.

La Cour d’appel d’Angers qui s’est prononcée très récemment sur la question (CA Angers, 21 novembre 2019, n°17/00760), a ainsi jugé qu’il appartenait à l’URSSAF d’établir l’exercice, par la personne concernée, d’une activité professionnelle au sein de la société ou une fonction dirigeante au travers d’actes positifs d’administration et de gestion, dans la droite ligne de l’arrêt précité de la Cour d’appel d’Amiens du 21 avril 2015.

Dans ces conditions, il appartiendra donc aux conseils de la société par actions simplifiée à directoire et conseil de surveillance d’être très attentifs à la rédaction des clauses statutaires et à leur mise en œuvre concrète au sein des sociétés s’ils entendent épargner à leurs clients les désagréments de redressements de cotisations sociales.